Commandés en 2019 par le gouvernement et récemment publiés, les scénarios prospectifs du gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE envoient un message clair : pour honorer les ambitions climatiques de la France, le nucléaire ne suffira pas. Autrement dit, quelque soit l'investissement dans l'atome, le mix énergétique devra reposer en bonne partie sur les renouvelables d'ici à 2050, sans quoi le pays manquera son objectif de neutralité carbone. Sur les parcs éoliens d'abord, dont l'implantation fait l'objet de beaucoup de débats. Mais pas que : la capacité installée des panneaux solaires devra également être multipliée par 7 à 12 d'ici à la moitié du siècle, selon le plan d'action retenu.
Un déploiement massif qui nécessite d'y mettre concrètement les moyens. Car pour l'heure, l'énergie photovoltaïque ne représente que 2% environ de la consommation finale d'électricité dans l'Hexagone, contre 7% pour l'éolien et... 67% pour le nucléaire.
Le rythme s'est pourtant accéléré, avec plus de 1,3 GW d'origine solaire raccordés sur les six premiers mois de 2021, « plus que toutes les années complètes depuis 2012 », se félicite le ministère de la Transition écologique. Jusqu'à parvenir à 12 GW de puissance installée - l'équivalent environ de 12 des 56 réacteurs nucléaires français. Mais ce chiffre devra encore tripler d'ici à sept ans, si l'on en croit l'actuelle Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). D'ici à 2028, les panneaux disposés au sol devront atteindre une puissance de 20 à 25 GW, et 14,5 à 19 GW pour ceux placés sur toiture - soit un total de 35 à 44 GW. Ce qui nécessiterait de mobiliser environ 30.000 hectares, contre près de 15.000 aujourd'hui.
Friches, bâtiments et mobilier public
Alors, pour accélérer la cadence, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a dévoilé ce mercredi un plan d'action comprenant dix mesures, immédiatement saluées par le syndicat des professionnels de l'énergie solaire (Enerplan). Le but : simplifier les procédures et utiliser tout l'espace foncier possible, mais en limitant le grignotage des sols. Car le processus ne doit pas se faire sur le dos d'autres priorités, comme la lutte contre l'artificialisation des terres, a fait valoir la ministre - un « travail de couture », a-t-elle ajouté.
Pour ce faire, le gouvernement espère d'abord beaucoup des sites dégradés, notamment des friches industrielles.
« Sur ce type de terrains, une étude réalisée par l'Ademe et les services déconcentrés de l'Etat a permis de chiffrer le gisement à 8 GW. Puisqu'ils présentent le moins d'enjeux environnementaux, on va viser le développement de beaucoup de projets », développe le cabinet de Barbara Pompili.
En l'état, cela passera par la mise en place de bonus pour les centrales au sol qui s'y installent. Mais ce n'est pas tout : l'exécutif a l'œil sur tous les lieux possibles, des toits de bureaux à ceux des entrepôts, en passant par les ombrières en garages. Ainsi, Barbara Pompili a réaffirmé l'ambition de loi Climat adoptée cet été, qui entérinait déjà l'installation obligatoire de panneaux solaires sur les entrepôts, hangars et parkings de plus de 500m2, contre 1000m2 auparavant. Le texte les a également étendu aux immeubles de bureaux de plus d'un hectare, afin d'englober le plus de foncier possible.
Et le mobilier public est également visé, avec un objectif ambitieux de 1.000 projets développées d'ici à 2025. A cet égard, l'Agence de gestion de l'immobilier de l'Etat (AGILE) avait lancé au printemps une vaste opération d'identification des bâtiments « propices ». Verdict : 300 installations photovoltaïques pourront être mises en place sur ces édifices publics d'ici à fin 2025. Pour les compléter, les projets sur les aires de service des autoroutes concédées seront également facilités, grâce à un ajustement des durées d'occupation du domaine public autoroutier correspondant, a annoncé Barbara Pompili.
Alléger les procédures
Dans cette même veine, le gouvernement entend assouplir de manière générale les règles administratives, sources de ralentissement dans l'installation de nouveaux parcs. Par exemple, un décret du 6 octobre a multiplié par 5 le plafond de puissance permettant de bénéficier d'un tarif d'achat sans appel d'offres pour les projets sur bâtiment, passant de 100 à 500 KW. « Cela permettra de viser l'installation de 550 MW de panneaux solaires dans ce cadre, contre 300 auparavant », fait-on valoir à l'hôtel de Roquelaure.
Enfin, une partie des évaluations environnementales obligatoires avant l'installation d'un nouveau parc ne le seront tout simplement plus. Notamment pour les projets déployés sur les toits des bâtiments existants et sur les ombrières de parking (sur lesquels sont disposés les panneaux). « C'est une procédure lourde, qui revient aujourd'hui à évaluer plus les effets des parkings que des ombrières elles-mêmes », défend le ministère.
« Paradoxalement, alors que la France est le plus grand territoire d'Europe, du fait des contraintes réglementaires qui s'imposent au solaire, il est difficile de trouver des terrains pour les centrales au sol : 51% du territoire est classé agricole, 40% est boisé et les développeurs doivent se concentrer exclusivement sur les 9% restants de sols artificiels qui par définition sont souvent occupés », a réagi le Syndicat des énergies renouvelables (SER) dans la foulée, saluant des mesures « de bon sens ».
Quant aux parcs au sol, le seuil de 250 KW au-delà duquel une étude d'impact est actuellement requise devrait être revu à 600 KW, en-dessous desquels une simple déclaration préalable de travaux suffira, a fait savoir le gouvernement. Une avancée logique au vue de « l'évolution des technologies », considère le cabinet de la ministre. Pour cause, en quelques années seulement, le rendement des panneaux s'est largement amélioré, nécessitant « moins de surface pour la même puissance ». Reste que ces avancées techniques ne dispenseront pas les pouvoirs publics de multiplier les nouveaux parcs, en témoignent ces mesures fortes.
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